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Ce blog a pour objet de permettre à tous de s'exprimer sur des sujets variés, touchant la politique, l'économie, la religion et plus généralement les problématiques sociales. Tout commentaire sera accepté s'il répond aux exigences de clarté et s'il fait preuve d'une architecture argumentative correcte.

Retour sur l'histoire des Oracles

 Par Jérôme Carbriand

Avant propos


Il y a certains sujets dont on fait peu de cas aujourd'hui, mais qui mériteraient toutefois qu'on s'y penche compte tenu de leur importance. Ceci étant dit, il nous était tombé entre les mains il y a déjà quelques années un livre fort intéressant écrit par Fontenelle s'intitulant l'histoire des oracles.
Son auteur était un homme intelligent mais - comme bien des « philosophes » de son temps - souvent victime d'une pensée en demi-teinte. Nous aurions pourtant toutes les raisons d'apprécier ce personnage – au demeurant Normand et cultivé en théologie – si celui-ci ne réunissait pas en sa personne les terribles qualités de Cartésien, d'Académicien et de Jésuite.
Quoiqu'il soulève dans l'ouvrage un point important, qui aurait pu être fort commode aux métaphysiciens si seulement il nous en était resté quelques-uns aujourd'hui, nous ne pouvons que déplorer les sillons qu'il a tracés par cette démonstration, autant que leur impact dans les esprits de l'époque.
Cette question tient en deux parties qui sont les suivantes : les oracles étaient-ils rendus par des démons ? Ont-ils cessé à la venue de Jésus-Christ ?
Il est vrai que ces considérations n'importent plus aux gens de notre temps, et qu'ils préfèrent s'intéresser aux futiles plaisirs qu'offre la vie, mais si un tel sujet a pu être discuté dans quelques livres, fussent-ils vieux de 300 ans, il n'est pas proscrit de s'y intéresser présentement et d'apporter à cet effet notre maigre contribution.
S'il nous tient à cœur de répondre à cette question, sachez que nos raisons n'en sont point égales à celles de Fontenelle, puisqu'il a cherché en bon moderne à démystifier certains dogmes chrétiens et païens.

Il nous paraît que certaines de ses conclusions pourraient néanmoins nous amener à « démêler l'erreur d'avec la vérité » au contraire que de « respecter l'erreur mêlée avec la vérité. » Fontenelle – Préface de l'histoire des oracles.
Nos buts sont donc de montrer les liens étroits entre le christianisme et les religions païennes qu'on peut dire elles-mêmes entremêlées, en se proposant par cette aubaine de réhabiliter quelque peu la tradition païenne, et par la même de montrer que « l'unité fondamentale de toutes les traditions [. ...] Implique nécessairement que la vérité se trouve dans tous les Livres sacrés sans exception » et ajouterons-nous : dans toutes les traditions. René Guénon – recueil posthume – comptes rendus d'articles de revues – notices nécrologiques – page 295.

L'auteur mobilisant quelques Oracles, entend par ces exemples montrer qu'il n'y a rien de démoniaque chez eux, cependant qu'en les appréciant sans aucun mysticisme, il en vient à ne voir que la fourberie de prêtres, trompant à souhait pour s'arroger les honneurs.

Sans nul doute, l'auteur a cru bon de s'employer à détruire le paganisme - sous couvert d'une pseudo « réhabilitation » - afin de critiquer l'église. À cette époque, elle était encore assez soutenue pour qu'on ne se risque à une attaque frontale, contrairement à nos jours où en toutes occasions le blasphème est encouragé et même applaudi.

C'est pour ces raisons que nous ne soutenons ni la démarche, ni les propos de Fontenelle, et qu'il puisse se faire dans notre exposé une critique acerbe de l'auteur.

 

Que la plupart des Oracles n'étaient pas rendus par des démons

Démons doit être entendu ici selon l'acceptation qui en est faite chez les chrétiens ; ceux-ci n'ont cessé de prétendre à discréditer le paganisme et à trancher avec lui alors qu'il en est la continuité.
Les démons étaient donc vus comme de mauvais esprits.
Fontenelle nous propose quelques Oracles à même de discréditer la thèse communément admise : que les Oracles étaient rendus par des démons. Bien qu'il commence par l'histoire de Thamus, nous la traiterons plus tardivement, car elle prête à confusion.

Nous verrons donc en premier lieu, l'oracle rendu au Roi Thulis.

« Thulis fut un roi d'Égypte, dont l'empire s'étendait jusqu'à l'Océan. C'est lui, à ce qu'on dit, qui donna le nom de Thulé à l'île qu'on appelle présentement Islande. Comme son empire allait apparemment jusque-là, il était d'une belle étendue. Ce roi, enflé de ses succès et de sa prospérité, alla à l'oracle de Sérapis, et lui dit :
— toi qui es le maître du feu, et qui gouvernes le cours du ciel, dis-moi la vérité. Y a-t-il jamais eu et y aura-t-il jamais quelqu'un aussi puissant que moi ?
L'oracle lui répondit :
— premièrement, Dieu (père), ensuite la parole (Fils) et l'esprit ( saint esprit ) avec eux, tous s'assemblant en un, dont le pouvoir ne peut finir. Sors d'ici promptement, mortel, dont la vie est toujours incertaine.
Au sortir de là, Thulis fut égorgé. »

Après quoi, Fontenelle s'interroge : « L'oracle rendu au roi Thulis, un oracle si positif sur la sainte Trinité, peut-il être une fiction humaine ? Comment le prêtre de Sérapis aurait-il deviné un si grand mystère, inconnu alors à toute la terre et aux Juifs mêmes ? »

 

Quelques vraies lumières auraient suffi à notre auteur pour savoir que les païens entendaient quelques traits à la tradition primordiale aussi sûrement que les tenants des cultures monothéistes ;

ces rapports étant propres à une seule et même tradition commune à l'homme depuis des temps immémoriaux. On peut nuancer les propos de Fontenelle, en cela que l'apparition de trois aspects divins est commun aux cultures extrême-orientales, en Asie sous le nom de Tien-ti-jen (ciel, terre, homme) et de la Trimûrti en Inde. Même si on se gardera par là de voir une ressemblance entre ces ternaires autre que celle d'être justement tripartite. Il est toutefois visible que l'apparition de trois rapports divins est commune à beaucoup de traditions. Mais encore que « l'homme universel » ou « l'homme céleste » est cette fois commun et partagé par toutes les traditions, et c'est ce à quoi Jésus renvoie ; Dieu est selon Sérapis cet être incréé représentant l'unicité et l'indéfinité, il fait référence au verbe et à l'esprit , ainsi qu'à la supériorité du divin devant la précarité humaine, traduisant par là assez justement la définition du divin, plus que la trinité chrétienne en elle-même.

D'autre part il y a bien d'autres rapports ternaires dans la tradition chrétienne autrement plus importants que celui de la trinité (Père , Fils et saint esprit) - l'un d'eux, qui partage précisément bien plus d'aspects avec la tradition primordiale est « l'opération du saint esprit », inhérente à la première trinité, ou presque caché en elle, correspondant « proprement à l'activité « non-agissante » de purusha, ou du « ciel » selon le langage extrême oriental avec lequel «  la Vierge, d'autre part, est une parfaite image de prakriti, que la même tradition désigne comme la « Terre » et, quant au christ lui-même, il est encore plus évidemment identique à l'homme Universel » La grande triade – R. Guénon.

 

C'est donc parce que le prêtre de Sérapis était préalablement initié à une partie de la tradition primordiale qu'il a ainsi pu rendre ce savant oracle. Nous ne savons pas s'il lui fut besoin de lier pour ce faire des contacts quelconques avec des génies érudits, mais d'un point de vue logique, sans y ajouter plus d'œuvre mystique qu'il n'y en a déjà à maitriser de tels dogmes, on peut sans doute dire que cet oracle n'était pas rendu par des démons.

 

Le second oracle mobilisé par le philosophe est l'histoire du «  pilote Thamus ». « Son vaisseau étant un soir vers certaines îles de la mer Égée, le vent cessa tout à fait. Tous les gens du vaisseau étaient bien éveillés ; la plupart même passaient le temps à boire les uns avec les autres, lorsqu’on entendit tout d’un coup une voix qui venait des îles, et qui appelait Thamus. Thamus se laissa appeler deux fois sans répondre ; mais à la troisième il répondit. La voix lui commanda que, quand il serait arrivé à un certain lieu, il criât que le grand Pan était mort. Il n’y eut personne qui ne fût saisi de frayeur et d’épouvante. On délibérait si Thamus devait obéir à la voix : mais Thamus conclut que si, quand ils seraient arrivés au lieu marqué, il faisait assez de vent pour passer outre, il ne fallait rien dire ; mais que si un calme les arrêtait là, il fallait s’acquitter de l’ordre qu’il avait reçu.Il ne manqua point d'être surpris d'un calme à cet endroit-là, et aussitôt, il se mit à crier de toute sa force que le grand Pan était mort. À peine avait-il cessé de parler, que l'on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements, comme d'un grand nombre de personnes surprises et affligées de cette nouvelle. Tous ceux qui étaient dans le vaisseau furent témoins de l'aventure. Le bruit s'en répandit en peu de temps jusqu'à Rome ; et l'empereur Tibère, ayant voulu voir Thamus lui-même, assembla des gens savants dans la théologie païenne, pour apprendre d'eux qui était ce grand Pan ; et il fut conclu que c'était le fils de Mercure et de Pénélope. C'est ainsi que, dans le dialogue où Plutarque traite des oracles qui ont cessé, Cléombrote conte cette histoire, et dit qu'il la tient d'Épithersès, son maître de grammaire, qui était dans le vaisseau de Thamus lorsque la chose arriva. »

Cette histoire nous est à la base contée par Plutarque au temps de l'empereur Tibère qui fut contemporain de la mort de Jésus.
On donne plusieurs origines à ce grand pan du grec pan signifiant « tout »,
Paraissant tantôt fils de Jupiter et de la nymphe Thymbris, tantôt de Mercure et de la nymphe Pénélope, on lui prête d'autres origines comme celles du fils de Jupiter et de la nymphe Callisto, parfois même de l'Air et d'une Néréide, ou enfin du Ciel et de la Terre. Toutes ces ascendances sont pour nous assez confondues, et correspondent à ce qu'en dit Ovide dans les Métamorphoses, on peut dire que sous certains aspects symboliques le dieu est le même.
Il englobe ainsi un grand nombre de manifestations divines de par son nom « tout » et sa représentation qui selon Augustin Carrache représente l'univers : « on lui met des cornes sur la tête [. ...] pour marquer les rayons du soleil ; la vivacité et le rouge de son teint expriment l'état du ciel ; la peau de chèvre étoilée qu'il porte sur l'estomac, désigne les étoiles du firmament ; et la partie inférieure du monde, la terre, les arbres, les plantes, le sont par ses jambes hérissées de poils. »
Les conclusions des exégètes romains n'étaient donc pas dénuées de sens. Il serait aisé pour notre partie de voir en le grand Pan, Jésus-Christ lui-même, mais nous éviterons cette supposition autant qu'il nous faudra éviter de le placer - comme certains chrétiens l'ont fait - en un roi des mauvais démons qui serait mort à la lumière de la venue du grand Jésus. Même si sa mort peut assurément représenter la fin des Oracles et que l'idée qu'un Faune soit un démon ne soit pas absurde, cette histoire et toutes les conjectures y aboutissant sont pour le moins hasardeuses. Nous préférons y voir la fin d'un cycle et le début d'un nouveau, ce qui permet au moins de comprendre qu'à ce moment, il s'est produit quelque chose d'important.
Pourquoi donc voir dans les religions païennes des manifestations sataniques alors que ces mêmes religions sont plus proches de la tradition primordiale qu’un christianisme dégénéré, lequel dès les premiers conciles s'est vu attribué certaines absurdités pour le moins étranges ? Au même moment, des païens ont annoncé la venue de Jésus-Christ, et leur descendance s'y est parfaitement accordée, parce que justement Jésus représentait quelques éléments de la tradition primordiale dont ils faisaient déjà grand cas. Nous parlons ici de prophètes (au sens où leurs prophéties ont été réalisées) tel qu'Hermes Trimesgiste - plus ancien non seulement que Platon, mais que Pythagore et les sept sages.

Lactance cite un passage de l'Asclépius : « Hermès, dans le livre intitulé la Parole parfaite, a fait usage de ces mots : « Le Seigneur et Créateur de toute chose, qu'à bon droit nous appelons Dieu puisqu'il a créé le deuxième Dieu visible et sensible... Puisqu'il l'a créé en premier, seul et unique. Il Lui parut beau, et tout empli de bonnes choses ; et Il Le sanctifia et L'aima tout entier comme s'il était Son propre Fils » (Le Discours Parfait (Sermo Perfectus en latin) est le titre original de l' Asclépius).

 

D'autres part on ne peut pas faire passer les oracles pour des démons, puisqu'ils étaient rendus par de fervents croyants, lesquels s'organisaient au travers de multiples références symboliques à Dieu, ainsi que l'explique René Guénon : « Il y a encore d’autres symboles qui, dans les traditions antiques, représentent le « Centre du Monde » ; un des plus remarquables est peut-être celui de l’Omphalos, que l’on retrouve également chez presque tous les peuples . Le mot grec omphalos signifie « ombilic », mais il désigne aussi, d’une façon générale, tout ce qui est centre, et plus spécialement le moyeu d’une roue ; en sanscrit, le mot nâbhi a pareillement ces différentes acceptions, et il en est de même, dans les langues celtiques et germaniques, des dérivés de la même racine, qui s’y trouve sous les formes nab et nav. D’autre part, en gallois, le mot nav ou naf, qui est évidemment identique à ces derniers, a le sens de « chef » et s’applique même à Dieu ; c’est donc l’idée du Principe central qui est ici exprimée. Le sens de « moyeu » a d’ailleurs, à cet égard, une importance toute particulière, parce que la roue est partout un symbole du Monde accomplissant sa rotation autour d’un point fixe, symbole qui doit donc être rapproché de celui du swastika ; mais, dans celui-ci, la circonférence qui représente la manifestation n’est pas tracée, de sorte que c’est le centre lui-même qui est désigné directement : le swastika n’est pas une figure du Monde, mais bien de l’action du Principe à l’égard du Monde.

 

Le symbole de l’Omphalos pouvait être placé en un lieu qui était simplement le centre d’une région déterminée, centre spirituel, d’ailleurs, bien plutôt que centre géographique, quoique les deux aient pu coïncider en certains cas ; mais, s’il en était ainsi, c’est que ce point était véritablement, pour le peuple habitant la région considérée, l’image visible du « Centre du Monde », de même que la tradition propre à ce peuple n’était qu’une adaptation de la tradition primordiale sous la forme qui convenait le mieux à sa mentalité et à ses conditions d’existence. On connaît surtout, d’ordinaire, l’Omphalos du temple de Delphes ; ce temple était bien réellement le centre spirituel de la Grèce antique, et, sans insister sur toutes les raisons qui pourraient justifier cette assertion, nous ferons seulement remarquer que c’est là que s’assemblait, deux fois par an, le conseil des Amphictyons, composé des représentants de tous les peuples helléniques, et qui formait d’ailleurs le seul lien effectif entre ces peuples, lien dont la force résidait précisément dans son caractère essentiellement traditionnel. [...] les oracles étaient rendus auprès de ces pierres, comme à Delphes, ce qui s’explique aisément, dès lors qu’elles étaient considérées comme la demeure de la Divinité ; la « maison de Dieu », d’ailleurs, s’identifie tout naturellement au « Centre du Monde ».

 

Dans la seconde partie de son exposé Fontenelle cherche à prouver que les Oracles n'avaient rien de surnaturel mais encore que beaucoup de gens s'en moquaient :

 

« Les histoires sont pleines d’oracles, ou méprisés par ceux qui les recevaient, ou modifiés à leur fantaisie. Pactias (Hérodote, liv. I), Lydien, et sujet des Perses, s’étant réfugié à Cumes, ville grecque, les Perses ne manquèrent pas d’envoyer demander qu’on le leur livrât. Les Cuméens firent aussitôt consulter l’oracle des Branchides, pour savoir comment ils en devaient user. L’oracle répondit qu’ils livrassent Pactias. Aristodicus, un des premiers de Cumes, qui n’était pas de cet avis, obtint par son crédit qu’on envoyât une seconde fois vers l’oracle, et même il se fit mettre du nombre des députés. L’oracle ne lui fit que la réponse qu’il avait déjà faite. Aristodicus, peu satisfait, s’avisa, en se promenant autour du temple, d’en faire sortir de petits oiseaux, qui y faisaient leurs nids. Aussitôt, il sortit du sanctuaire une voix qui lui criait :

— Détestable mortel, qui te donne la hardiesse de chasser d’ici ceux qui sont sous ma protection ?

— Eh quoi ! grand dieu, répondit bien vite Aristodicus, vous nous ordonnez bien de chasser Pactias, qui est sous la nôtre ?

— Oui, je vous l’ordonne, reprit le dieu, afin que vous, qui êtes des impies, vous périssiez plus tôt, et que vous ne veniez plus importunez les oracles sur vos affaires.

Il parait bien que le dieu était poussé à bout, puisqu’il avait recours aux injures ; il paraît bien aussi qu’Aristodicus ne croyait pas trop que ce fût un dieu qui rendît ces oracles, puisqu’il cherchait à l’attraper par la comparaison des oiseaux ; et après qu’il l’eut attrapé en effet, apparemment il le crut moins dieu que jamais. Les Cuméens eux-mêmes n’en devaient être guère persuadés, puisqu’ils croyaient qu’une seconde députation pouvait le faire dédire, et que du moins il penserait mieux à ce qu’il devait répondre. Je remarque ici, en passant, que, puisque Aristodicus tendait un piège à ce dieu, il fallait qu’il eût prévu qu’on ne lui laisserait pas chasser les oiseaux d’un asile si saint sans en rien dire, et que, par conséquent, les prêtres étaient extrêmement jaloux de leurs temples. »


Nous aimons à voir avec quelle légèreté Fontenelle traite ainsi de certains Oracles ; il est vrai que plusieurs sont assez risibles, mais quelque soit le sujet rien n'interdit – au contraire - de voir sous un œil amusé certaines questions importantes.

Toutefois il faut convenir que l'auteur recherche au travers de quelques Oracles - qui n'étaient assurément pas mystiques – à généraliser sur l'absence de surnaturel au sein de l'ensemble. Nous ferons également remarquer à nos lecteurs que la qualité des oracles était relative à toutes les paroles des prêtres qui les rendaient ordinairement, ce qui montre bien à quel point la compréhension des gens de l'époque était floue quant au caractère divin ou non des Oracles rendus. Nous convenons cependant que beaucoup d'Oracle n'étaient rendus que par l'érudition de leurs auteurs, et que ceux qui on revêtu un caractère purement surnaturel n'étaient pas aussi nombreux que ceux qui l'ont été - comme nous le disions - de par la connaissance métaphysique des prêtres.

Seulement, on peut aisément faire remarquer que le fait même d'être rendu via une connaissance métaphysique avancée et hermétique emprunte naturellement au surnaturel, ou du moins à l'irrationnel ou l'intelligible - par ce raisonnement on peut avancer que les Oracles avaient bien une base mystique. Pour finir, il a pu sans doute se faire que plusieurs oracles n'avaient rien de transcendant et qu'ils furent ainsi de très mauvaise composition, de telle sorte qu'ils eussent alors été fortement critiqués à raison.

Mais cela ne signifie pas que d'autres l'aient été, et que par divers moyens physique, comme l'inhalation de gaz toxiques ou la mâche de feuille de Laurier, les Oracles n'aient pus communiquer avec des démons, atteignant à cette occasion un état transcendantal. Ceux-ci doivent être pris avec un sens autre que négatif, puisque dans l'Antiquité, les démons pouvaient correspondre à bien des formes : étant semblables aux « Djinns » de la mystique musulmane, ils pouvaient comme le précise Fontenelle être bons ou mauvais, mais pourquoi fallait-il forcément selon les Chrétiens qu'ils eussent été mauvais ?

D'autre part, comme le grand Pan était un arcadien et que cette région est assurément celle où le culte païen grec était le plus ancien, on ne peut douter de la primordialité et de la justesse d'un démon qui serait issu de cette contrée.

La précision que nous faisons ici est donc que si des Oracles ont pu être rendus par des démons, ce ne fut assurément pas par le genre de « mauvais esprit » cher aux chrétiens.

 

Les Oracles ont-ils cessé à la venue de Jésus-Christ ?

De la même manière avec laquelle nous disions préalablement que certains Oracles pouvaient être faussés, nous en concluons que si des Oracles ont bien été rendus après la venue de Jésus-Christ, ce ne pu qu'en être de la même espèce, et que c'est la simple doctrine populaire qui s'est évertuée à faire passer les dires des prêtres pour des oracles transcendants., alors qu'eux-mêmes, ne cherchaient qu'a poursuivre la tradition.

Nous parlions à travers Guénon de L'omphalos, représenté par une pierre, il y dit à ce sujet quelque chose de très vrai sur la cessation des Oracles.

« Et le tentateur, s'approchant, dit à Jésus : Si tu es le fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains » (St Matthieu, IV, 3 ; cf. St Luc, IV, 3).

Ces paroles ont un sens mystérieux, en rapport avec ce que nous indiquons ici : le Christ devait bien accomplir une semblable transformation, mais spirituellement, et non matériellement comme le demandait le tentateur ; or l'ordre spirituel est analogue à l'ordre matériel, mais en sens inverse, et la marque du démon est de prendre toutes choses à rebours. C'est le Christ lui-même qui, comme manifestation du Verbe, est « le pain vivant descendu du Ciel », d'où la réponse : « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; c'est ce pain (Jésus-Christ) qui devait, dans la « Nouvelle Alliance » ( le Nouveau Testament), être substitué à la pierre comme « maison de Dieu » ; et, ajouterons-nous encore, c'est pourquoi les oracles ont cessé.

Ainsi, le Christ aurait dû remplacer par sa venue l'ensemble des Omphalos présents dans les cultes préchrétiens en cela qu'il était à ce moment la parole de Dieu sur terre et qu'en conséquence, il ne fallut plus que des Oracles fussent rendus à sa place.

Fontenelle nous dit que les Oracles n'ont pas cessé à la venue de Jésus-Christ, qu'ils se sont poursuivis pendant 400 ans après la naissance de Jésus, et qu'en somme, il n'y avait aucun rapport entre les deux événements.

Seulement, il reconnait parfois la cessation de quelques Oracles, voire même de la plupart et puis il soutient que certains se poursuivaient tout de même. Pourquoi donc cette nuageuse rhétorique ? Car la vérité n'est pas immaculée ou toute faite de noir. Quelques Oracles se sont bien poursuivis après la venue de Jésus, et comme le dit notre auteur, ils étaient sûrement faussés par les prêtres, mais ni nous, ni Fontenelle n'avons les moyens de distinguer un Oracle véritable d'un faux.

Outre de ne pas faire passer pour mauvais les démons ayant pu rendre certains oracles, il nous faut dire aussi qu’ils sont mortels selon ce qu'en disent plusieurs auteurs grecs et Romains.

On peut voir ainsi chez Plutarque qu' « Hésiode pense qu'après certaines périodes de siècles les Génies subissent la mort; et, parlant sous la personne d'une Naïade, il désigne ces époques d'une manière énigmatique :
« Neuf âges d'homme sont ce que vit la corneille;
Quatre âges de corneille à son tour dans les bois
Vit le cerf, et du cerf l'âge est fourni trois fois
Par les corbeaux; enfin, limite sans pareille,
Le Phénix vit neuf fois autant que le corbeau.
Pour nous, filles des Dieux, par un destin plus beau
De ce brillant Phénix, nous décuplons la vie ».
Ce temps est prolongé indéfiniment par ceux qui ne prennent pas dans son véritable sens l'expression « âge d'homme ». Ce mot ne signifie autre chose qu'année », de sorte que la durée des Génies sera en tout de neuf mille sept cent vingt ans. Plusieurs mathématiciens croient à un chiffre moindre; et Pindare ne propose pas une plus longue durée quand il dit que « les Nymphes ont reçu en partage une existence dont la mesure est celle de la vie des arbres, et que pour cela on les appelle Hamadryades.» Après avoir repris Cléombrote, il ajoute ;

« D'un autre côté, il n'est nullement absurde de donner le nom de « âge d'homme » à « l'année, » puisque l'année renferme en soi le commencement et la fin de tout ce qu'apportent les saisons, de tout ce que produit la terre. Vous avouez, vous-mêmes, qu'Hésiode appelle «âge» la vie humaine. N'est-ce pas ainsi que vous dites?» — Démétrius fit un geste affirmatif. — « Il est encore évident, continua Cléombrote, que l'on désigne souvent par les mêmes mots la mesure et les choses mesurées, comme quand on dit une cotyle, un chénix, une amphore, un médimne. De la même manière, donc, que nous appelons nombre l'unité, qui est la plus petite mesure et le principe de tous les nombres, de même Hésiode donne à l'année, qui est la première mesure de la vie humaine, le nom d'âge, parce que l'âge se mesure par l'année. Les nombres qu'établissent ces gens-là n'ont aucune des propriétés qu'en arithmétique l'on est convenu de regarder comme curieuses et remarquables. Mais le nombre 9720 est formé des quatre premiers nombres, y compris l'unité, additionnés ensemble et multipliés par quatre, ou de dix répété quatre fois. De l'une et de l'autre manière on a pour produit quarante; et quarante multipliés par trois successivement jusqu'au cinquième produit, donne pour résultat le nombre en question. Mais il n'est pas nécessaire que nous entrions en discussion sur ce point avec Démétrius. Peu importe que le temps durant lequel l'âme des Génies et la vie des demi-dieux éprouvent des changements soit plus long, peu importe qu'il soit plus court, qu'il soit déterminé , qu'il ne le soit pas ; il n'en sera pas moins établi, par lequel des deux nombres le voudra Démétrius, et avec des témoins dont la haute sagesse égale la grande antiquité, il n'en sera pas moins établi, dis-je, qu'il existe certaines natures intermédiaires entre les Dieux et les hommes, natures sujettes aux passions des mortels, susceptibles de changements nécessaires; et nous devons, d'après la tradition de nos pères, croire que ces natures sont des Génies, leur en donner le nom, et les révérer à ce titre.



Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'au moment propice l'un d'eux, qui représentait tant de choses pour les Oracles, ce grand Pan, finissent par mourir et laisser place à une nouvelle ère. Celle-ci chargée par la parole chrétienne de remettre au clair une société trop pervertie et dégénérée, a hélas perdu dans son sillage plusieurs aspects principaux de la tradition, ou du moins, elle ne les a aucunement mis en valeur, de telle sorte qu'on en vienne aujourd'hui à les mépriser par nos oublis.

Comme dit Sophocle :
« Les Dieux ne meurent point, mais leurs œuvres périssent »- il ne reste au passage, qu'à opposer cette citation à celle de Nietzsche qui, malgré tous le support dont on peut lui témoigner réalise un sophisme –dans la volonté de polémiquer- en titrant que « Dieu est mort et c’est nous qui l'avons tué ».

Pour en terminer, nous dirions que cette doctrine chrétienne consistant à montrer une évolution de la religion rend finalement compte d'un esprit tout à fait moderne, elle veut rompre avec le passé, tandis que Dieu n'eut certainement pas voulu une telle chose, lui qui – par le passé – a congrûment fait parvenir la vérité aux hommes.

Et quels pleurs j'ai versés à chaque événement,

Tantôt pour mon pays, tantôt pour mon amant.

Enfin mon désespoir, parmi ces longs obstacles,

M'a fait avoir recours à la voix des oracles,

Écoutez si celui qui me fut hier rendu

Eut droit de rassurer mon esprit éperdu.

Ce Grec si renommé, qui, depuis tant d'années,

Au pied de l'Aventin prédit nos destinées,

Lui qu'Apollon jamais n'a fait parler à faux,

Me promit, par ces vers, la fin de mes travaux.

Horace - Pierre Corneille

Retour sur l'histoire des Oracles
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