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Ce blog a pour objet de permettre à tous de s'exprimer sur des sujets variés, touchant la politique, l'économie, la religion et plus généralement les problématiques sociales. Tout commentaire sera accepté s'il répond aux exigences de clarté et s'il fait preuve d'une architecture argumentative correcte.

L’attrape-rêves des démocraties modernes

Par Jérôme Carbriand

 

   Cet article s’articulera autour de deux parties, l’une concernant nos considérations personelles, la seconde celles de René Guénon sur la démocratie.

 

La démocratie est-elle possible ?

 

   Le seul titre choisi pour cet article exige de lui-même que l’on se soumette à un approfondissement. Si Nietzsche peut affirmer en plein XVIIIe siècle que « Dieu est mort, et nous l’avons tué », j’affirme pour ma part que la démocratie est morte pour la même raison. En effet, que de belles prérogatives, que de beaux espoirs nacquirent pour le monde avec cette idée de démocratie ! Le résultat est tout autre : nous en avons fait un cadavre malsain, se nourissant de ses propres mensonges. Nous nous proposons ici de combattre quelques idées reçues, car nombre d’inepties perdurent dans les consciences.

   Le mot démocratie vient du grec dēmokratía, qui signifie « souveraineté du peuple » ; aussi la question la plus profonde comme la plus évidente que l’on puisse se poser peut être résumée en quelques mots : Où est donc passé la souveraineté du peuple ? En France, aux États-Unis, et dans d’inombrables pays occidentaux, elle n’existe plus guère, n’a-t-elle même d’ailleurs jamais existé ? En effet, le peuple n’a toujours agi qu’au travers de représentants, imbus d’opportunisme ex post, ces hommes ne remplissent pas le contrat qu’ils passent avec les peuples. Car c’est pourtant un contrat de confiance qui est promu comme élément fondateur des démocraties modernes. S’il est certes risible que ce concept fut également emprunté par Darty pour se promouvoir, on ne manquera pas de déceler le caractère abusif induit par une telle démarche au sein même des esprits, ce “contrat” servant alors de justification à toutes les manipulations possibles.

   Nous pensons que c’est une erreur naïve de croire que la France est une démocratie pure. Si l’on souhaite que nos propos soient en accord avec la réalité empirique, il faudrait préciser que ce système politique est celui d’un gouvernement représentatif. Il est en outre absurde d’employer le terme démocratie directe, une démocratie l’étant par essence, mais nous nous adapterons à la terminologie en vigueur qui a le mérite de mettre l’accent sur la souveraineté populaire, et aussi, surtout, par souci d’intelligibilité.

   On nous objecte souvent qu’en France le processus démocratique n’en est pas à son aboutissement, – a-t-il même jamais commencé ? – ou bien qu’il est logistiquement impossible de mettre en place un tel régime, au vu de la démographie importante du pays. En réalité, les véritables adversaires de la démocratie en France sont les Français eux-mêmes, qui en sont venus à un tel degré de lobotomie que la plupart des objections émises à l’encontre de la démocratie directe constituent tout autant de leçons que le Français moyen sait réciter avec aisance, sans toutefois qu’il n’ait été initié préalablement à un quelconque jargon socio-économique et juridique. Finalement, peu ont compris l’essentiel : la démocratie est un idéal dont on peut s’approcher ou s’écarter. Concrètement, nous en sommes bien loin, et si la récurrence des guerres fonde, pour certains, une différence de nature entre une démocratie et une dictature – dans laquelle la guerre, fait du Prince, serait irrémédiablement multipliée –, nous nous devons de rappeller aux uns que jamais il n’y eut plus de guerre dans le monde, en nombre comme en intensité, depuis l’avènement de la démocratie moderne ; et aux autres qu’il faudrait se garder d’écarter d’un revers de main de nombreuses dictatures qui sont parfois plus souhaitées par les peuples que des gouvernements autoproclamés mandataires ; tout repose sur celui qui effectue la typologie et qui, arbitrairement, décide à quel régime correspond quelle définition.

   Pour en revenir aux arguments concernant les impossibilités matérielles, la décentralisation française, pour peu qu’elle ait eu une utilité, amena la possibilité d’une quasi-démocratie : les institutions étant telles que la population pourrait presque aisément voter les sujets principaux sans un coût exorbitant de la part de l’État. L’éventuel coût qui serait supporté ne serait autre que celui consenti par les Français eux-mêmes, puisque le budget de l’État est avant tout, par l’impôt, celui des citoyens, ce que la plupart des politiciens semblent avoir oublié. Ainsi nous soutenons que si les pays occidentaux veulent persister à se prétendre démocratiques, qu’ils donnent en cohérence la possibilité à leurs gens de voter régulièrement lors de référendums d’initiative populaire. S’il est une situation en effet plus absurde que de se croire en démocratie dans un pays où le président et les corps administratifs regroupent une bonne partie du pouvoir ; où les chambres chargées d’exercer un contrepoids sont corps et âme vouées aux lobbies en tous genre et où une tutelle européenne sans grande légitimité démocratique quant à ses instances décisionnelles surplombe l’ensemble, qu’on nous la soumette !

   En soi nous ne sommes pas foncièrement démocrates, car ce système est sujet à une multitudes d’absurdités inhérentes au modernisme ; mais nous soutenons que si un choix doit être fait, qu’il soit alors totalement démocratique, ou celui d’un despote éclairé. Il y a un caractère presque criminel à faire croire aux masses qu’ils jouissent d’une liberté, si elle n’est dans les faits que toute relative.

   A présent nous allons faire suite aux opinions d’un autre auteur, en reconnaissant que d’autres ont si bien résumé la chose qu’il serait sans fondement de ne pas apposer leur point de vue au nôtre.

 

 

Avertissement : la pensée de René Guénon et la nôtre sont légèrement différentes, en cela que nous concevons l’existence de vraies démocraties, tandis que notre auteur est pour sa part très radical.

 

Le mensonge des démocraties modernes

 

   « Si l’on définit la « démocratie » comme le gouvernement du peuple par lui-même, c’est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu’à n’importe quelle autre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d’admettre que les mêmes hommes puissent être à la fois gouvernants et gouvernés, parce que, pour employer le langage aristotélicien, un même être ne peut être « en acte » et « en puissance » en même temps et sous le même rapport. Il y a là une relation qui suppose nécessairement deux termes en présence : il ne pourrait y avoir de gouvernés s’il n’y avait aussi des gouvernants, fussent-ils illégitimes et sans autre droit au pouvoir que celui qu’ils se sont attribué eux-mêmes ; mais la grande habileté des dirigeants, dans le monde moderne, est de faire croire au peuple qu’il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d’autant plus volontiers qu’il en est flatté et que d’ailleurs il est incapable de réfléchir assez pour voir ce qu’il y a là d’impossible. C’est pour créer cette illusion qu’on a inventé le « suffrage universel » : c’est l’opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont on ne s’aperçoit pas, c’est que l’opinion est quelque chose que l’on peut très facilement diriger et modifier ; on peut toujours, à l’aide de suggestions appropriées, y provoquer des courants allant dans tel ou tel sens déterminé; nous ne savons plus qui a parlé de « fabriquer l’opinion », et cette expression est tout à fait juste, bien qu’il faille dire, d’ailleurs, que ce ne sont pas toujours les dirigeants apparents qui ont en réalité à leur disposition les moyens nécessaires pour obtenir ce résultat. Cette dernière remarque donne sans doute la raison pour laquelle l’incompétence des politiciens les plus « en vue » semble n’avoir qu’une importance très relative ; mais, comme il ne s’agit pas ici de démonter les rouages de ce qu’on pourrait appeler la « machine à gouverner », nous nous bornerons à signaler que cette incompétence même offre l’avantage d’entretenir l’illusion dont nous venons de parler : c’est seulement dans ces conditions, en effet, que les politiciens en question peuvent apparaître comme l’émanation de la majorité, étant ainsi à son image, car la majorité, sur n’importe quel sujet qu’elle soit appelée à donner son avis, est toujours constituée par les incompétents, dont le nombre est incomparablement plus grand que celui des hommes qui sont capables de se prononcer en parfaite connaissance de cause.

   Ceci nous amène immédiatement à dire en quoi l’idée que la majorité doit faire la loi est essentiellement erronée, car, même si cette idée, par la force des choses, est surtout théorique et ne peut correspondre à une réalité effective, il reste pourtant à expliquer comment elle a pu s’implanter dans l’esprit moderne, quelles sont les tendances de celui-ci auxquelles elle correspond et qu’elle satisfait au moins en apparence. Le défaut le plus visible, c’est celui-là même que nous indiquions à l’instant : l’avis de la majorité ne peut être que l’expression de l’incompétence, que celle-ci résulte d’ailleurs du manque d’intelligence ou de l’ignorance pure et simple ; on pourrait faire intervenir à ce propos certaines observations de « psychologie collective », et rappeler notamment ce fait assez connu que, dans une foule, l’ensemble des réactions mentales qui se produisent entre les individus composants aboutit à la formation d’une sorte de résultante qui est, non pas même au niveau de la moyenne, mais à celui des éléments les plus inférieurs. Il y aurait lieu aussi de faire remarquer, d’autre part, comment certains philosophes modernes ont voulu transporter dans l’ordre intellectuel la théorie « démocratique » qui fait prévaloir l’avis de la majorité, en faisant de ce qu’ils appellent le « consentement universel » un prétendu « critérium de la vérité » : en supposant même qu’il y ait effectivement une question sur laquelle tous les hommes soient d’accord, cet accord ne prouverait rien par lui-même ; mais, en outre, si cette unanimité existait vraiment, ce qui est d’autant plus douteux qu’il y a toujours beaucoup d’hommes qui n’ont aucune opinion sur une question quelconque et qui ne se la sont même jamais posée, il serait en tout cas impossible de la constater en fait, de sorte que ce qu’on invoque en faveur d’une opinion et comme signe de sa vérité se réduit à n’être que le consentement du plus grand nombre, et encore en se bornant à un milieu forcément très limité dans l’espace et dans le temps. Dans ce domaine, il apparaît encore plus clairement que la théorie manque de base, parce qu’il est plus facile de s’y soustraire à l’influence du sentiment, qui au contraire entre en jeu presque inévitablement lorsqu’il s’agit du domaine politique ; et c’est cette influence qui est un des principaux obstacles à la compréhension de certaines choses, même chez ceux qui auraient par ailleurs une capacité intellectuelle très largement suffisante pour parvenir sans peine à cette compréhension ; les impulsions émotives empêchent la réflexion, et c’est une des plus vulgaires habiletés de la politique que celle qui consiste à tirer parti de cette incompatibilité. »

Mais tu sais, je suis pauvre, et je n'ai que mes rêves,
J'ai déroulé mes rêves sous tes pas
Marche doucement, parce que tu marches sur mes rêves.

William Butler Yeat

L’attrape-rêves des démocraties modernes
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Un mensonge, la souveraineté du peuple.<br /> <br /> « L’ignorance est commode pour les gens en place, ils dupent et oppriment avec moins de peine. » Mably (philosophe du siècle des Lumières). <br /> <br /> Les Etats industrialisés d’Europe, d’Amérique du Nord, l’Australie, le Japon, d’autres encore, sont habituellement qualifiés de démocraties. Par ce mot, on veut nous dire qu’ils ont un système politique dans lequel le peuple est souverain. On nous explique encore qu’il faut distinguer la démocratie directe, dans laquelle le peuple exerce lui-même sa souveraineté, de la démocratie indirecte, ou représentative, dans laquelle le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire de représentants élus. Et l’on ajoute que, par l’effet de la représentation, la volonté exprimée par les représentants du peuple est la volonté même du peuple. <br /> <br /> Il se trouve, malheureusement, que la réalité est moins brillante. Car, en réalité, la souveraineté du peuple est un mensonge dont la fonction est de flatter. Chacun le sait, « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » (Le corbeau et le renard). En flattant le peuple, en lui faisant croire qu’il est le maître, qu’il décide, qu’il « fait des choix de société », le pouvoir politique s’assure plus aisément de la docilité et de l’obéissance d’une opinion publique confiante et aisément trompée. <br /> <br /> L’écrivain Ernest Lavisse écrit, dans un article de la Revue de Paris du 15 janvier 1899 : « La souveraineté nationale est certainement un mensonge. »<br /> <br /> Dans son livre « Du pouvoir » (que je vous recommande si vous ne l’avez déjà lu), Bertrand de Jouvenel écrit : « La souveraineté du peuple n’est qu’une fiction ». (p. 418). S’il dit que la souveraineté du peuple est une fiction, c’est parce qu’il est bien élevé et qu’il réprouve les termes tranchants. Je pense quant à moi qu’il faut appeler un chat un chat et la souveraineté du peuple un mensonge. <br /> <br /> En fait, l’idée que la souveraineté du peuple est un mensonge est une évidence. Le dire, c’est enfoncer une porte ouverte. La grande majorité de nos concitoyens sont parvenus par eux-mêmes à cette conclusion. Si autant de gens s’abstiennent de voter lors des élections, c’est bien parce qu’ils ont compris que voter ne sert pas à grand-chose. Bien sûr, ceux qui s’abstiennent ne disent pas explicitement que la souveraineté du peuple est un mensonge. Ils l’expriment à leur manière, avec leurs propres mots. Ils disent que le vote ne change rien, que la politique est toujours la même quel que soit l’élu, etc.<br /> <br /> Parce que l’abstention massive et le fait que les gens se détournent des urnes sapent la légitimité des élus, l’abstention fait peur aux dirigeants politiques. C’est pourquoi chaque élection est précédée d’une campagne destinée à faire honte aux abstentionnistes, à les culpabiliser, à les ramener vers les urnes. On leur explique que voter est un devoir, qu’ils ne doivent pas laisser les autres décider à leur place, que leur vote peut tout changer, qu’en s’abstenant ils mettent la République en danger, etc. Notons que, bien sûr, le principe du contradictoire n’est pas respecté. Seuls les partisans de la participation aux élections s’expriment. Aucun abstentionniste n’a le droit à la parole. Certains proposent même de casser le thermomètre en rendant le vote obligatoire. <br /> <br /> Si la plupart d’entre nous sont parvenus à comprendre intuitivement que la souveraineté du peuple est un mensonge, il est cependant nécessaire de préciser certaines raisons pour lesquelles il en est ainsi afin de comprendre plus complètement le fonctionnement des systèmes politiques modernes, particulièrement ceux qui, de nos jours, se font appeler « démocraties ». . <br /> <br /> Les régimes politiques occidentaux se disent des « démocraties représentatives ». Dans la démocratie représentative, dit-on, le peuple exerce sa souveraineté en élisant des représentants. On nous explique encore que « par l’effet de la représentation », la volonté exprimée par les représentants est la volonté même du peuple. Par suite, le peuple est souverain. C’est ce qu’il fallait démontrer. <br /> <br /> Tout ceci serait très bien si les députés étaient des représentants. Or, ce n’est pas le cas. Ce que nous élisons, lors des élections législatives, ce sont des députés, non des représentants. C’est un fait qu’aucun livre d’histoire ne vous révèlera, la révolution française a aboli la représentation politique. La représentation politique existait sous l’Ancien Régime, par exemple lors de l’élection des députés aux Etats Généraux. Les députés aux Etats Généraux étaient des représentants, de vrais représentants. Ils étaient les représentants du bailliage dans lequel ils avaient été élus, et les représentants de l’ordre qui les avait élus (la noblesse, le clergé ou le tiers état). Mais la représentation politique a été abolie par la révolution française. C’est l’un des secrets les mieux gardés des systèmes politiques modernes. Bien sûr, la représentation en droit privé existe encore. Elle existe dans le monde des affaires ou entre particuliers, mais elle n’existe plus en politique. La vérité, c’est que le peuple n’élit aucun représentant, mais seulement des députés. Et comme le peuple n’est pas représenté, il n’est pas souverain. Le mensonge fondamental des systèmes politiques modernes, c’est la représentation, parce que ce mensonge est le socle sur lequel s’élèvent les autres mensonges. Le mensonge de la souveraineté du peuple n’est qu’une conséquence du mensonge de la représentation. C’est parce qu’on prétend que le peuple est représenté qu’on dit qu’il est souverain. <br /> <br /> Le député n’est pas un représentant parce que, selon le droit constitutionnel français, le député, une fois élu, est entièrement libre vis-à-vis de ses électeurs. L’élection a une fonction et une seule, désigner le député. Elle n’est pas la constitution d’un représentant. L’élection terminée, le député n’a plus aucun rapport avec ses électeurs. Il ne leur rend aucun compte. Ces derniers ne peuvent en aucun cas le révoquer. Voici ce que vous pourriez lire dans la « Contribution à la théorie générale de l’Etat », de Raymond Carré de Malberg (que l’on peut consulter à la bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris ou à la bibliothèque publique d’information de Beaubourg)<br /> <br /> « Voici les caractères de la fonction du député. Le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne, mais exerce une fonction libre. Il n’exprime pas la volonté de ses électeurs, mais il se décide par lui-même et sous sa propre appréciation. Il ne parle ni ne vote au nom et de la part de ses électeurs, mais il forme son opinion et émet son suffrage selon sa conscience et ses vues personnelles. En un mot, il est totalement indépendant de ses électeurs. »<br /> <br /> Comme le député ne parle pas et ne vote pas au nom de ses électeurs, mais en son nom propre, il ne représente pas ses électeurs. Il n’est pas leur représentant. Cette information n’est pas classifiée « confidentiel défense » parce qu’en cherchant bien, on peut la trouver. Néanmoins, à peu près tous les Français l’ignorent. S’ils se contentent de lire Le Monde ou de regarder le journal télévisé, il est clair qu’ils ne l’apprendront jamais. Si les pouvoirs publics, la presse et l’école prennent garde de ne pas révéler que les députés n’expriment pas la volonté de leurs électeurs, c’est parce qu’il n’est jamais bon que le peuple soit trop informé. Car, plus les gens sont informés, plus il est difficile de les faire obéir. C’est ce que le philosophes de Lumières Mably avait fort bien compris lorsqu’il écrivait : « L’ignorance est commode pour les gens en place, ils dupent et oppriment avec moins de peine. »<br /> <br /> Dans la première constitution française, la constitution du 3 septembre 1791, qui a été rédigée par les révolutionnaires de 1789 constitués en assemblée dite constituante, l’indépendance des députés est exprimée par une formule lapidaire : « Il ne pourra être donné aucun mandat aux représentants » (Constitution de 1791, chapitre premier, section III, article 7). Cet article emploie le mot « représentant » pour des raisons démagogiques. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que les députés ne reçoivent aucun mandat et que, par suite, ils sont libres et indépendants de leurs électeurs et que, étant indépendants de leurs électeurs, ils ne les représentent pas. . <br /> <br /> L’interdiction de donner un mandat aux députés a été reprise dans la constitution de l’an III, ou constitution de 1795 : « Il ne pourra être donné aucun mandat aux membres du Corps législatif ». (Titre V, art. 52). Mais à partir de la Constitution de 1848 (deuxième république), cette interdiction est formulée de manière différente. Il n’est plus question d’interdire « tout mandat », mais seulement une forme particulière de mandat, le mandat « impératif ». C’est cette interdiction qui figure dans notre actuelle constitution, celle du 3 juin 1958. Art. 27 « Tout mandat impératif est nul. » <br /> <br /> L’expression « mandat impératif » est un perfectionnement du mensonge. Ce que l’on veut nous dire, c’est que le droit constitutionnel actuel, contrairement au droit de la révolution française inscrit dans les constitutions du 3 septembre 1791 et du 5 fructidor an III, n’interdit pas de donner un mandat aux députés, mais seulement de leur donner un mandat « impératif ». De la sorte, le député qui reçoit un genre de mandat, un mandat qui ne serait pas impératif, est bien un représentant. Le mensonge est ainsi corroboré. <br /> <br /> Si le mandat donné au député n’est pas impératif, c’est qu’il est facultatif. C’est un mandat auquel le député se conforme s’il en a envie et auquel il ne se conforme pas s’il n’en a pas envie. C’est le mandat de faire ce qu’il lui plaît. En d’autres termes, c’est un mandat qui ne l’oblige à rien et donc ce n’est pas un mandat. Par conséquent, l’interdiction du mandat « impératif », ce n’est rien d’autre que l’interdiction de tout mandat. <br /> <br /> Notez comme l’idée que le député reçoit un genre de mandat, un mandat qui ne serait pas impératif, se réfracte dans les termes habilement employés par Raymond Carré de Malberg pour décrire la fonction du député. Il écrit : « Le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne. ». Si le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne, cela signifie implicitement qu’il remplit tout de même un genre de mandat. Et que, de la sorte, il serait tout de même un genre de représentant. Mais si le mandat du député est un mandat qui ne l’enchaîne pas, c’est un mandat qui n’engage à rien. C’est un mandat qu’il respecte s’il en a envie. Donc, ce n’est pas un mandat. Pour être précis, Raymond Carré de Malberg aurait dû écrire : « Le député ne remplit pas un mandat, mais exerce une fonction libre. »<br /> <br /> Tous les candidats aux élections ont des « programmes », des « propositions », ils font des « promesses ». Les électeurs se plaignent souvent des promesses non tenues. Ils s’en plaignent parce qu’ils pensent que le candidat a pris des engagements envers eux. En fait, les promesses électorales, les programmes n’ont aucune valeur juridique. Ils ne lient pas le candidat parce que, comme le dit l’article 27 de la constitution de la Ve République, tout mandat donné au député est nul. Les promesses n’ont aucune valeur. Elles n’engagent à rien. Non seulement, comme je l’ai dit, la puissance sociale dissimule soigneusement aux électeurs que leur député ne les représente pas, mais en outre, les candidats ont des programmes qui donnent l’impression d’un contrat entre les électeurs et l’élu. Les électeurs sont ainsi doublement trompés. <br /> <br /> Afin de leurrer encore davantage les gens, les hommes politiques dans leurs discours, les livres d’histoire, les traités de droit constitutionnel et de science politique qualifient systématiquement les parlementaires, députés et sénateurs, de « représentants », ceci afin de bien nous faire entrer dans le crâne que « les députés sont des représentants ». On pourrait en citer des millions d’exemples. Je me contenterai de quelques uns : « De Gaulle, non seulement par tempérament, par inclinaison, par goût, évite le conseil et s’éloigne des représentants élus de la nation. » François Mitterrand, Le coup d’Etat permanent, p. 87. « Peut-on admettre encore l’existence de mandats impératifs ? Une réponse négative s’impose dès l’instant que l’on a admis l’existence d’une assemblée de représentants » Brunet, Vouloir pour la nation, p. 101 « Dans le système de la représentation, ce n’est pas la volonté du peuple qui détermine celle des représentants, c’est au contraire le peuple qui fait siennes, par avance, les volontés que les représentants viendront à énoncer. » Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie de l’Etat. « La grande faveur dont jouirent les institutions de la démocratie directe peut être tenue pour un témoignage de la maturité politique des gouvernés que l’on jugeait dignes d’être en certaines occasions, libérés de la tutelle de leurs représentants.  » Georges Burdeau, Traité de sciences politiques. «  Il faut que le peuple soit un souverain absolu dans l’instant qu’il désigne ses représentants, car ainsi peuvent-ils tenir des droits illimités » Bertrand de Jouvenel, Du pouvoir. « Les représentants du peuple n’ont pas plutôt conquis le pouvoir, qu’ils se mettent à consolider et à renforcer leur puissance » » Proudhon  cité dans Michels, Les partis politiques p.36. « Le régime représentatif repose sur une idée simple : le peuple est incapable de se gouverner lui-même et doit par suite confier à des représentants le soin de gouverner à sa place. Les représentants sont désignés par les électeurs. » Jacques Cadart, Institutions politiques, p. 193. « Sitôt qu’on remet à des représentants le soin d’exercer le pouvoir, le Parlement devient souverain. » Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie p. 21. « Chacun sait que dans les démocraties occidentales, la part faite à l’exercice direct de la souveraineté est infime ou nulle, et que l’essentiel du jeu politique appartient aux représentants ; les prérogatives du citoyen se réduisent à participer tous les quatre ou cinq ans au choix des représentants. » Association française des historiens, Le concept de représentation dans la pensée politique. p. 29. « La nation n’exerce sa souveraineté que par l’intermédiaire de ses représentants. » Jacques Godechot Les institutions de la France sous la révolution et sous l’Empire, p. 75. « Le régime représentatif était une suite du principe de la souveraineté de la nationale. Comme celle-ci ne résidait pas dans les particuliers, ni même dans leur totalité, mais dans leur collectivité extra individuelle, le régime représentatif faisant dépendre la formation de la volonté de la nation de ses représentants constitués. » Soboul, dictionnaire historique p. 1001 « L’élection n’était qu’une fonction, commise par la nation à certains citoyens, reconnus aptes à son exercice, une médiation instrumentale destinée à composer et légitimer l’assemblée des représentants. » François Furet. Dictionnaire critique de la révolution française. « Si le peuple ne peut exercer lui-même la souveraineté, comme il ne saurait l’aliéner, il faut bien qu’il en confie l’exercice à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Lorsque le titulaire de la souveraineté est la nation, il n’y a plus de choix possible, car dès lors que la nation n’est qu’une entité abstraite, elle ne pourrait assurer un exercice direct, si bien que là encore il faudrait recourir à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Il convient de distinguer selon que le souverain est le peuple ou la nation, des modalités différentes de nomination et de contrôle des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Si le peuple est le souverain, la représentation n’est que l’un des modes possibles de l’exercice de la souveraineté, puisque le peuple pourrait soit l’exercer lui-même, soit recourir à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Les représentants bien loin d’avoir à obéir aux ordres populaires, sont appelés au contraire à gouverner le peuple. » Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’Etat. « Représentants de la nation, le destin de ce peuple est entre vos mains. » René Coty, adresse à la chambre des députés, le 29 mai 1958. « Représentants du peuple, les députés ont reçu leur mandat pour délibérer et voter, et non pour être seulement consultés. » Jacques Duclos, le 29 juillet 1958. « J’ai passé la parole au peuple, comme je l’avais promis. Il a élu ses représentants. » De Gaulle, conférence de presse du 19 mai 1958. Toutefois, un mensonge, même systématiquement répété ne fait pas une vérité. <br /> <br /> De même que le fait que, dans un système politique moderne, le peuple n’est pas souverain est aujourd’hui très largement perçu, de même le fait que les députés ne représentent pas leurs électeurs est, lui aussi, largement compris. Un blogueur déçu par les élections écrit : « Aujourd’hui, nos représentants ne nous représentant pas. » Ce n’est pas mal vu, mais il faut apporter deux précisions. D’abord, ce n’est seulement d’aujourd’hui que les députés ne représentent pas leurs électeurs, mais depuis la Révolution française. En d’autres termes, depuis l’apparition des institutions politiques modernes, les députés ne représentent plus leurs électeurs car c’est dès la Révolution française que la représentation politique a été abolie. Ensuite, si « nos représentants ne nous représentant pas », c’est tout simplement parce qu’ils ne sont pas nos représentants car, contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas parce que les principes des systèmes politiques modernes ne sont pas appliqués que les députés ne représentent pas leurs électeurs, mais tout au contraire, précisément parce qu’ils sont appliqués. En effet, conformément aux principes des systèmes politiques modernes, les députés ne sont pas des représentants. <br /> <br /> La grosse ficelle des systèmes politiques modernes consiste à instaurer une confusion entre voter et être souverain. On dit : le peuple vote, donc il est souverain. « L’action de voter est le phénomène qui dénote la démocratie. » (Bertrand de Jouvenel, « Du pouvoir »). Bertrand de Jouvenel profère ici une énorme contrevérité. <br /> <br /> « [Dans le système de la Constitution de 1791], écrivent les historiens Malet et Isaac, le pouvoir législatif appartient sans contrôle aux représentants de la nation, c’est-à-dire aux députés, sans que le peuple puisse, de quelque manière que ce soit, donner son avis sur les lois, ni même sur la constitution. La souveraineté du peuple se borne donc à élire les députés. » <br /> <br /> Dans ce passage Malet et Isaac reconnaissent honnêtement que le pouvoir législatif appartient sans contrôle au Corps législatif et que le pouvoir du peuple se borne à élire les députés. Et pourtant, ils voient la souveraineté du peuple dans ce pouvoir limité. Ce qui leur permet de voir la souveraineté du peuple dans le simple pouvoir d’élire, c’est le mot « représentant ». « Le pouvoir législatif, disent-ils, appartient aux représentants de la nation. » Dès lors, que le peuple contrôle les « représentants » ou qu’il ne les contrôle pas, quelle importance ? A partir du moment où ils sont des « représentants », la volonté qu’ils expriment, c’est-à-dire les lois, est la volonté de la nation. Et si les lois sont la volonté de la nation, c’est que la nation est souveraine. Toute l’astuce se ramène donc à une chose, qualifier abusivement les députés de représentants. <br /> <br /> Si les députés ne sont pas des représentants, que sont-ils ? C’est simple, ce sont des fonctionnaires. Cela, aucun livre, aucun traité de droit constitutionnel ne le dit parce que cette information est classifiée « confidentiel défense ». Non seulement les traités de droit constitutionnel ne révèlent pas que les députés sont des fonctionnaires, mais ils le démentent. Le raisonnement est le suivant. Les députés sont des représentants. Or, les fonctions de députés et la qualité de fonctionnaires s’excluent. Comme les députés sont des représentants, ils ne peuvent être des fonctionnaires. <br /> <br /> Cet argument est sans valeur parce qu’il repose sur un mensonge, le fait que les députés sont des représentants. Dès que l’on a constaté que les députés ne sont pas des représentants, on parvient à la conclusion qu’ils peuvent fort bien être des fonctionnaires. <br /> <br /> L’Etat remplit diverses missions. Il assure l’ordre public. Pour cela, il entretient un corps de fonctionnaires spécialisés, la police. Il rend aussi la justice. Et pour cela il y a aussi des fonctionnaires spécialisés, les magistrats. Il assure la défense nationale. Pour cela encore, il faut des fonctionnaires spécialisés, les militaires. Enfin, l’Etat règle la vie de la société en édictant des normes. Ces normes, ce sont les lois. Faire la loi est une fonction essentielle de l’Etat et c’est un monopole de l’Etat. Seul l’Etat a le droit de faire des lois. Pour cette fonction, la fonction législative, l’Etat recourt à des fonctionnaires spécialisés, les fonctionnaires législatifs. Ce sont les députés et les sénateurs. Les députés et les sénateurs sont des fonctionnaires à statut particulier parce qu’ils sont élus et non recrutés par concours et en outre parce que leur contrat est à durée déterminée, contrairement au statut général de la fonction publique. Hormis ces particularités, ce sont des fonctionnaires ordinaires, rémunérés par l’Etat et travaillant pour lui. <br /> <br /> Il est indispensable de garder top secret le fait que les députés et les sénateurs sont des fonctionnaires, qu’ils sont au service de l’Etat et non de leurs électeurs, parce que cela mettrait la puce à l’oreille des gens et risquerait de leur faire comprendre que les députés ne sont pas des représentants. Or, il est essentiel de faire croire au peuple que les députés sont des représentants parce que, comme nous l’avons dit, c’est ce qui soutient l’idée que le peuple est souverain. Si les gens comprenaient que les députés sont en réalité des fonctionnaires au service de l’Etat, ils pourraient comprendre plus rapidement que la souveraineté du peuple est un mensonge. <br /> <br /> Nous avons maintenant une autre question à nous poser. Si le peuple n’est pas souverain, qui est le véritable souverain ? C’est, en principe, c’est le corps législatif, c’est-à-dire le corps qui décide souverainement des lois. Du fait que chaque député est libre et indépendant, le Corps législatif, dans son ensemble, est lui aussi libre et indépendant. Il vote les lois sans tenir compte de la volonté du peuple. Il est le souverain absolu. Le corps législatif peut être constitué d’une assemblée unique. C’était le cas selon la première constitution de la France moderne, la constitution du 3 septembre 1791. C’était le cas également selon la constitution de la seconde République (constitution de 1848). Mais le plus souvent, le corps législatif est composé de deux chambres, comme sous les troisième, quatrième et cinquième Républiques.<br /> <br /> La souveraineté du corps législatif découle de l’idée, inspirée de Rousseau, que le pouvoir de faire la loi est un pouvoir supérieur au pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif, comme son nom l’indique, n’est en principe qu’un exécutant qui se charge de mettre en application les règles définies par le pouvoir législatif. C’est cette conception qui a prévalu dans la constitution de 3 septembre 1791. L’assemblée législative y était conçue comme un pouvoir fort, et les pouvoirs dévolus au pouvoir exécutif, c’est-à-dire le roi, y étaient limités. <br /> <br /> La souveraineté du Corps législatif, bien qu’officieuse, a cependant été reconnue par certains auteurs, comme Raymond Carré de Malberg : « Le parlement, conçu comme le représentant, devient effectivement le souverain. » Raymond Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale. p. 20. Ou encore Giovani Sartori « Sitôt qu’on remet à des représentants le soin d’exercer le pouvoir, le Parlement devient souverain. » Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie p. 21.<br /> <br /> La phrase de Giovanni Sartori contient une erreur et une vérité. Son erreur, c’est d’employer le mot « représentant », car le pouvoir n’est pas remis à des représentants, mais à des fonctionnaires législatifs. La vérité, c’est le fait que le Parlement est le souverain. En cela, Giovanni et Raymond Carré de Malberg portent un coup de canif à la théorie officielle selon laquelle la souveraineté est « inaliénable » et selon laquelle aucune section du peuple ne s’en attribue l’exercice : « La Souveraineté est inaliénable. Aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice. » (Constitution du 3 sept. 1791, Titre III, article premier). <br /> <br /> La science politique nous explique que le Corps législatif n’est pas le souverain, que le souverain reste le peuple, car le Corps législatif ne fait qu’exercer la souveraineté. C’est encore une astuce car celui qui exerce la souveraineté est effectivement le souverain. Etre souverain, ce n’est rien d’autre qu’exercer la souveraineté.
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P
Un mensonge, la souveraineté du peuple.<br /> <br /> « L’ignorance est commode pour les gens en place, ils dupent et oppriment avec moins de peine. » Mably (philosophe du siècle des Lumières). <br /> <br /> Les Etats industrialisés d’Europe, d’Amérique du Nord, l’Australie, le Japon, d’autres encore, sont habituellement qualifiés de démocraties. Par ce mot, on veut nous dire qu’ils ont un système politique dans lequel le peuple est souverain. On nous explique encore qu’il faut distinguer la démocratie directe, dans laquelle le peuple exerce lui-même sa souveraineté, de la démocratie indirecte, ou représentative, dans laquelle le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire de représentants élus. Et l’on ajoute que, par l’effet de la représentation, la volonté exprimée par les représentants du peuple est la volonté même du peuple. <br /> <br /> Il se trouve, malheureusement, que la réalité est moins brillante. Car, en réalité, la souveraineté du peuple est un mensonge dont la fonction est de flatter. Chacun le sait, « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » (Le corbeau et le renard). En flattant le peuple, en lui faisant croire qu’il est le maître, qu’il décide, qu’il « fait des choix de société », le pouvoir politique s’assure plus aisément de la docilité et de l’obéissance d’une opinion publique confiante et aisément trompée. <br /> <br /> L’écrivain Ernest Lavisse écrit, dans un article de la Revue de Paris du 15 janvier 1899 : « La souveraineté nationale est certainement un mensonge. »<br /> <br /> Dans son livre « Du pouvoir » (que je vous recommande si vous ne l’avez déjà lu), Bertrand de Jouvenel écrit : « La souveraineté du peuple n’est qu’une fiction ». (p. 418). S’il dit que la souveraineté du peuple est une fiction, c’est parce qu’il est bien élevé et qu’il réprouve les termes tranchants. Je pense quant à moi qu’il faut appeler un chat un chat et la souveraineté du peuple un mensonge. <br /> <br /> En fait, l’idée que la souveraineté du peuple est un mensonge est une évidence. Le dire, c’est enfoncer une porte ouverte. La grande majorité de nos concitoyens sont parvenus par eux-mêmes à cette conclusion. Si autant de gens s’abstiennent de voter lors des élections, c’est bien parce qu’ils ont compris que voter ne sert pas à grand-chose. Bien sûr, ceux qui s’abstiennent ne disent pas explicitement que la souveraineté du peuple est un mensonge. Ils l’expriment à leur manière, avec leurs propres mots. Ils disent que le vote ne change rien, que la politique est toujours la même quel que soit l’élu, etc.<br /> <br /> Parce que l’abstention massive et le fait que les gens se détournent des urnes sapent la légitimité des élus, l’abstention fait peur aux dirigeants politiques. C’est pourquoi chaque élection est précédée d’une campagne destinée à faire honte aux abstentionnistes, à les culpabiliser, à les ramener vers les urnes. On leur explique que voter est un devoir, qu’ils ne doivent pas laisser les autres décider à leur place, que leur vote peut tout changer, qu’en s’abstenant ils mettent la République en danger, etc. Notons que, bien sûr, le principe du contradictoire n’est pas respecté. Seuls les partisans de la participation aux élections s’expriment. Aucun abstentionniste n’a le droit à la parole. Certains proposent même de casser le thermomètre en rendant le vote obligatoire. <br /> <br /> Si la plupart d’entre nous sont parvenus à comprendre intuitivement que la souveraineté du peuple est un mensonge, il est cependant nécessaire de préciser certaines raisons pour lesquelles il en est ainsi afin de comprendre plus complètement le fonctionnement des systèmes politiques modernes, particulièrement ceux qui, de nos jours, se font appeler « démocraties ». . <br /> <br /> Les régimes politiques occidentaux se disent des « démocraties représentatives ». Dans la démocratie représentative, dit-on, le peuple exerce sa souveraineté en élisant des représentants. On nous explique encore que « par l’effet de la représentation », la volonté exprimée par les représentants est la volonté même du peuple. Par suite, le peuple est souverain. C’est ce qu’il fallait démontrer. <br /> <br /> Tout ceci serait très bien si les députés étaient des représentants. Or, ce n’est pas le cas. Ce que nous élisons, lors des élections législatives, ce sont des députés, non des représentants. C’est un fait qu’aucun livre d’histoire ne vous révèlera, la révolution française a aboli la représentation politique. La représentation politique existait sous l’Ancien Régime, par exemple lors de l’élection des députés aux Etats Généraux. Les députés aux Etats Généraux étaient des représentants, de vrais représentants. Ils étaient les représentants du bailliage dans lequel ils avaient été élus, et les représentants de l’ordre qui les avait élus (la noblesse, le clergé ou le tiers état). Mais la représentation politique a été abolie par la révolution française. C’est l’un des secrets les mieux gardés des systèmes politiques modernes. Bien sûr, la représentation en droit privé existe encore. Elle existe dans le monde des affaires ou entre particuliers, mais elle n’existe plus en politique. La vérité, c’est que le peuple n’élit aucun représentant, mais seulement des députés. Et comme le peuple n’est pas représenté, il n’est pas souverain. Le mensonge fondamental des systèmes politiques modernes, c’est la représentation, parce que ce mensonge est le socle sur lequel s’élèvent les autres mensonges. Le mensonge de la souveraineté du peuple n’est qu’une conséquence du mensonge de la représentation. C’est parce qu’on prétend que le peuple est représenté qu’on dit qu’il est souverain. <br /> <br /> Le député n’est pas un représentant parce que, selon le droit constitutionnel français, le député, une fois élu, est entièrement libre vis-à-vis de ses électeurs. L’élection a une fonction et une seule, désigner le député. Elle n’est pas la constitution d’un représentant. L’élection terminée, le député n’a plus aucun rapport avec ses électeurs. Il ne leur rend aucun compte. Ces derniers ne peuvent en aucun cas le révoquer. Voici ce que vous pourriez lire dans la « Contribution à la théorie générale de l’Etat », de Raymond Carré de Malberg (que l’on peut consulter à la bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris ou à la bibliothèque publique d’information de Beaubourg)<br /> <br /> « Voici les caractères de la fonction du député. Le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne, mais exerce une fonction libre. Il n’exprime pas la volonté de ses électeurs, mais il se décide par lui-même et sous sa propre appréciation. Il ne parle ni ne vote au nom et de la part de ses électeurs, mais il forme son opinion et émet son suffrage selon sa conscience et ses vues personnelles. En un mot, il est totalement indépendant de ses électeurs. »<br /> <br /> Comme le député ne parle pas et ne vote pas au nom de ses électeurs, mais en son nom propre, il ne représente pas ses électeurs. Il n’est pas leur représentant. Cette information n’est pas classifiée « confidentiel défense » parce qu’en cherchant bien, on peut la trouver. Néanmoins, à peu près tous les Français l’ignorent. S’ils se contentent de lire Le Monde ou de regarder le journal télévisé, il est clair qu’ils ne l’apprendront jamais. Si les pouvoirs publics, la presse et l’école prennent garde de ne pas révéler que les députés n’expriment pas la volonté de leurs électeurs, c’est parce qu’il n’est jamais bon que le peuple soit trop informé. Car, plus les gens sont informés, plus il est difficile de les faire obéir. C’est ce que le philosophes de Lumières Mably avait fort bien compris lorsqu’il écrivait : « L’ignorance est commode pour les gens en place, ils dupent et oppriment avec moins de peine. »<br /> <br /> Dans la première constitution française, la constitution du 3 septembre 1791, qui a été rédigée par les révolutionnaires de 1789 constitués en assemblée dite constituante, l’indépendance des députés est exprimée par une formule lapidaire : « Il ne pourra être donné aucun mandat aux représentants » (Constitution de 1791, chapitre premier, section III, article 7). Cet article emploie le mot « représentant » pour des raisons démagogiques. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que les députés ne reçoivent aucun mandat et que, par suite, ils sont libres et indépendants de leurs électeurs et que, étant indépendants de leurs électeurs, ils ne les représentent pas. . <br /> <br /> L’interdiction de donner un mandat aux députés a été reprise dans la constitution de l’an III, ou constitution de 1795 : « Il ne pourra être donné aucun mandat aux membres du Corps législatif ». (Titre V, art. 52). Mais à partir de la Constitution de 1848 (deuxième république), cette interdiction est formulée de manière différente. Il n’est plus question d’interdire « tout mandat », mais seulement une forme particulière de mandat, le mandat « impératif ». C’est cette interdiction qui figure dans notre actuelle constitution, celle du 3 juin 1958. Art. 27 « Tout mandat impératif est nul. » <br /> <br /> L’expression « mandat impératif » est un perfectionnement du mensonge. Ce que l’on veut nous dire, c’est que le droit constitutionnel actuel, contrairement au droit de la révolution française inscrit dans les constitutions du 3 septembre 1791 et du 5 fructidor an III, n’interdit pas de donner un mandat aux députés, mais seulement de leur donner un mandat « impératif ». De la sorte, le député qui reçoit un genre de mandat, un mandat qui ne serait pas impératif, est bien un représentant. Le mensonge est ainsi corroboré. <br /> <br /> Si le mandat donné au député n’est pas impératif, c’est qu’il est facultatif. C’est un mandat auquel le député se conforme s’il en a envie et auquel il ne se conforme pas s’il n’en a pas envie. C’est le mandat de faire ce qu’il lui plaît. En d’autres termes, c’est un mandat qui ne l’oblige à rien et donc ce n’est pas un mandat. Par conséquent, l’interdiction du mandat « impératif », ce n’est rien d’autre que l’interdiction de tout mandat. <br /> <br /> Notez comme l’idée que le député reçoit un genre de mandat, un mandat qui ne serait pas impératif, se réfracte dans les termes habilement employés par Raymond Carré de Malberg pour décrire la fonction du député. Il écrit : « Le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne. ». Si le député ne remplit pas un mandat qui l’enchaîne, cela signifie implicitement qu’il remplit tout de même un genre de mandat. Et que, de la sorte, il serait tout de même un genre de représentant. Mais si le mandat du député est un mandat qui ne l’enchaîne pas, c’est un mandat qui n’engage à rien. C’est un mandat qu’il respecte s’il en a envie. Donc, ce n’est pas un mandat. Pour être précis, Raymond Carré de Malberg aurait dû écrire : « Le député ne remplit pas un mandat, mais exerce une fonction libre. »<br /> <br /> Tous les candidats aux élections ont des « programmes », des « propositions », ils font des « promesses ». Les électeurs se plaignent souvent des promesses non tenues. Ils s’en plaignent parce qu’ils pensent que le candidat a pris des engagements envers eux. En fait, les promesses électorales, les programmes n’ont aucune valeur juridique. Ils ne lient pas le candidat parce que, comme le dit l’article 27 de la constitution de la Ve République, tout mandat donné au député est nul. Les promesses n’ont aucune valeur. Elles n’engagent à rien. Non seulement, comme je l’ai dit, la puissance sociale dissimule soigneusement aux électeurs que leur député ne les représente pas, mais en outre, les candidats ont des programmes qui donnent l’impression d’un contrat entre les électeurs et l’élu. Les électeurs sont ainsi doublement trompés. <br /> <br /> Afin de leurrer encore davantage les gens, les hommes politiques dans leurs discours, les livres d’histoire, les traités de droit constitutionnel et de science politique qualifient systématiquement les parlementaires, députés et sénateurs, de « représentants », ceci afin de bien nous faire entrer dans le crâne que « les députés sont des représentants ». On pourrait en citer des millions d’exemples. Je me contenterai de quelques uns : « De Gaulle, non seulement par tempérament, par inclinaison, par goût, évite le conseil et s’éloigne des représentants élus de la nation. » François Mitterrand, Le coup d’Etat permanent, p. 87. « Peut-on admettre encore l’existence de mandats impératifs ? Une réponse négative s’impose dès l’instant que l’on a admis l’existence d’une assemblée de représentants » Brunet, Vouloir pour la nation, p. 101 « Dans le système de la représentation, ce n’est pas la volonté du peuple qui détermine celle des représentants, c’est au contraire le peuple qui fait siennes, par avance, les volontés que les représentants viendront à énoncer. » Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie de l’Etat. « La grande faveur dont jouirent les institutions de la démocratie directe peut être tenue pour un témoignage de la maturité politique des gouvernés que l’on jugeait dignes d’être en certaines occasions, libérés de la tutelle de leurs représentants.  » Georges Burdeau, Traité de sciences politiques. «  Il faut que le peuple soit un souverain absolu dans l’instant qu’il désigne ses représentants, car ainsi peuvent-ils tenir des droits illimités » Bertrand de Jouvenel, Du pouvoir. « Les représentants du peuple n’ont pas plutôt conquis le pouvoir, qu’ils se mettent à consolider et à renforcer leur puissance » » Proudhon  cité dans Michels, Les partis politiques p.36. « Le régime représentatif repose sur une idée simple : le peuple est incapable de se gouverner lui-même et doit par suite confier à des représentants le soin de gouverner à sa place. Les représentants sont désignés par les électeurs. » Jacques Cadart, Institutions politiques, p. 193. « Sitôt qu’on remet à des représentants le soin d’exercer le pouvoir, le Parlement devient souverain. » Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie p. 21. « Chacun sait que dans les démocraties occidentales, la part faite à l’exercice direct de la souveraineté est infime ou nulle, et que l’essentiel du jeu politique appartient aux représentants ; les prérogatives du citoyen se réduisent à participer tous les quatre ou cinq ans au choix des représentants. » Association française des historiens, Le concept de représentation dans la pensée politique. p. 29. « La nation n’exerce sa souveraineté que par l’intermédiaire de ses représentants. » Jacques Godechot Les institutions de la France sous la révolution et sous l’Empire, p. 75. « Le régime représentatif était une suite du principe de la souveraineté de la nationale. Comme celle-ci ne résidait pas dans les particuliers, ni même dans leur totalité, mais dans leur collectivité extra individuelle, le régime représentatif faisant dépendre la formation de la volonté de la nation de ses représentants constitués. » Soboul, dictionnaire historique p. 1001 « L’élection n’était qu’une fonction, commise par la nation à certains citoyens, reconnus aptes à son exercice, une médiation instrumentale destinée à composer et légitimer l’assemblée des représentants. » François Furet. Dictionnaire critique de la révolution française. « Si le peuple ne peut exercer lui-même la souveraineté, comme il ne saurait l’aliéner, il faut bien qu’il en confie l’exercice à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Lorsque le titulaire de la souveraineté est la nation, il n’y a plus de choix possible, car dès lors que la nation n’est qu’une entité abstraite, elle ne pourrait assurer un exercice direct, si bien que là encore il faudrait recourir à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Il convient de distinguer selon que le souverain est le peuple ou la nation, des modalités différentes de nomination et de contrôle des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Si le peuple est le souverain, la représentation n’est que l’un des modes possibles de l’exercice de la souveraineté, puisque le peuple pourrait soit l’exercer lui-même, soit recourir à des représentants. » Michel Troper, préface à Vouloir pour la nation. « Les représentants bien loin d’avoir à obéir aux ordres populaires, sont appelés au contraire à gouverner le peuple. » Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’Etat. « Représentants de la nation, le destin de ce peuple est entre vos mains. » René Coty, adresse à la chambre des députés, le 29 mai 1958. « Représentants du peuple, les députés ont reçu leur mandat pour délibérer et voter, et non pour être seulement consultés. » Jacques Duclos, le 29 juillet 1958. « J’ai passé la parole au peuple, comme je l’avais promis. Il a élu ses représentants. » De Gaulle, conférence de presse du 19 mai 1958. Toutefois, un mensonge, même systématiquement répété ne fait pas une vérité. <br /> <br /> De même que le fait que, dans un système politique moderne, le peuple n’est pas souverain est aujourd’hui très largement perçu, de même le fait que les députés ne représentent pas leurs électeurs est, lui aussi, largement compris. Un blogueur déçu par les élections écrit : « Aujourd’hui, nos représentants ne nous représentant pas. » Ce n’est pas mal vu, mais il faut apporter deux précisions. D’abord, ce n’est seulement d’aujourd’hui que les députés ne représentent pas leurs électeurs, mais depuis la Révolution française. En d’autres termes, depuis l’apparition des institutions politiques modernes, les députés ne représentent plus leurs électeurs car c’est dès la Révolution française que la représentation politique a été abolie. Ensuite, si « nos représentants ne nous représentant pas », c’est tout simplement parce qu’ils ne sont pas nos représentants car, contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas parce que les principes des systèmes politiques modernes ne sont pas appliqués que les députés ne représentent pas leurs électeurs, mais tout au contraire, précisément parce qu’ils sont appliqués. En effet, conformément aux principes des systèmes politiques modernes, les députés ne sont pas des représentants. <br /> <br /> La grosse ficelle des systèmes politiques modernes consiste à instaurer une confusion entre voter et être souverain. On dit : le peuple vote, donc il est souverain. « L’action de voter est le phénomène qui dénote la démocratie. » (Bertrand de Jouvenel, « Du pouvoir »). Bertrand de Jouvenel profère ici une énorme contrevérité. <br /> <br /> « [Dans le système de la Constitution de 1791], écrivent les historiens Malet et Isaac, le pouvoir législatif appartient sans contrôle aux représentants de la nation, c’est-à-dire aux députés, sans que le peuple puisse, de quelque manière que ce soit, donner son avis sur les lois, ni même sur la constitution. La souveraineté du peuple se borne donc à élire les députés. » <br /> <br /> Dans ce passage Malet et Isaac reconnaissent honnêtement que le pouvoir législatif appartient sans contrôle au Corps législatif et que le pouvoir du peuple se borne à élire les députés. Et pourtant, ils voient la souveraineté du peuple dans ce pouvoir limité. Ce qui leur permet de voir la souveraineté du peuple dans le simple pouvoir d’élire, c’est le mot « représentant ». « Le pouvoir législatif, disent-ils, appartient aux représentants de la nation. » Dès lors, que le peuple contrôle les « représentants » ou qu’il ne les contrôle pas, quelle importance ? A partir du moment où ils sont des « représentants », la volonté qu’ils expriment, c’est-à-dire les lois, est la volonté de la nation. Et si les lois sont la volonté de la nation, c’est que la nation est souveraine. Toute l’astuce se ramène donc à une chose, qualifier abusivement les députés de représentants. <br /> <br /> Si les députés ne sont pas des représentants, que sont-ils ? C’est simple, ce sont des fonctionnaires. Cela, aucun livre, aucun traité de droit constitutionnel ne le dit parce que cette information est classifiée « confidentiel défense ». Non seulement les traités de droit constitutionnel ne révèlent pas que les députés sont des fonctionnaires, mais ils le démentent. Le raisonnement est le suivant. Les députés sont des représentants. Or, les fonctions de députés et la qualité de fonctionnaires s’excluent. Comme les députés sont des représentants, ils ne peuvent être des fonctionnaires. <br /> <br /> Cet argument est sans valeur parce qu’il repose sur un mensonge, le fait que les députés sont des représentants. Dès que l’on a constaté que les députés ne sont pas des représentants, on parvient à la conclusion qu’ils peuvent fort bien être des fonctionnaires. <br /> <br /> L’Etat remplit diverses missions. Il assure l’ordre public. Pour cela, il entretient un corps de fonctionnaires spécialisés, la police. Il rend aussi la justice. Et pour cela il y a aussi des fonctionnaires spécialisés, les magistrats. Il assure la défense nationale. Pour cela encore, il faut des fonctionnaires spécialisés, les militaires. Enfin, l’Etat règle la vie de la société en édictant des normes. Ces normes, ce sont les lois. Faire la loi est une fonction essentielle de l’Etat et c’est un monopole de l’Etat. Seul l’Etat a le droit de faire des lois. Pour cette fonction, la fonction législative, l’Etat recourt à des fonctionnaires spécialisés, les fonctionnaires législatifs. Ce sont les députés et les sénateurs. Les députés et les sénateurs sont des fonctionnaires à statut particulier parce qu’ils sont élus et non recrutés par concours et en outre parce que leur contrat est à durée déterminée, contrairement au statut général de la fonction publique. Hormis ces particularités, ce sont des fonctionnaires ordinaires, rémunérés par l’Etat et travaillant pour lui. <br /> <br /> Il est indispensable de garder top secret le fait que les députés et les sénateurs sont des fonctionnaires, qu’ils sont au service de l’Etat et non de leurs électeurs, parce que cela mettrait la puce à l’oreille des gens et risquerait de leur faire comprendre que les députés ne sont pas des représentants. Or, il est essentiel de faire croire au peuple que les députés sont des représentants parce que, comme nous l’avons dit, c’est ce qui soutient l’idée que le peuple est souverain. Si les gens comprenaient que les députés sont en réalité des fonctionnaires au service de l’Etat, ils pourraient comprendre plus rapidement que la souveraineté du peuple est un mensonge. <br /> <br /> Nous avons maintenant une autre question à nous poser. Si le peuple n’est pas souverain, qui est le véritable souverain ? C’est, en principe, c’est le corps législatif, c’est-à-dire le corps qui décide souverainement des lois. Du fait que chaque député est libre et indépendant, le Corps législatif, dans son ensemble, est lui aussi libre et indépendant. Il vote les lois sans tenir compte de la volonté du peuple. Il est le souverain absolu. Le corps législatif peut être constitué d’une assemblée unique. C’était le cas selon la première constitution de la France moderne, la constitution du 3 septembre 1791. C’était le cas également selon la constitution de la seconde République (constitution de 1848). Mais le plus souvent, le corps législatif est composé de deux chambres, comme sous les troisième, quatrième et cinquième Républiques.<br /> <br /> La souveraineté du corps législatif découle de l’idée, inspirée de Rousseau, que le pouvoir de faire la loi est un pouvoir supérieur au pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif, comme son nom l’indique, n’est en principe qu’un exécutant qui se charge de mettre en application les règles définies par le pouvoir législatif. C’est cette conception qui a prévalu dans la constitution de 3 septembre 1791. L’assemblée législative y était conçue comme un pouvoir fort, et les pouvoirs dévolus au pouvoir exécutif, c’est-à-dire le roi, y étaient limités. <br /> <br /> La souveraineté du Corps législatif, bien qu’officieuse, a cependant été reconnue par certains auteurs, comme Raymond Carré de Malberg : « Le parlement, conçu comme le représentant, devient effectivement le souverain. » Raymond Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale. p. 20. Ou encore Giovani Sartori « Sitôt qu’on remet à des représentants le soin d’exercer le pouvoir, le Parlement devient souverain. » Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie p. 21.<br /> <br /> La phrase de Giovanni Sartori contient une erreur et une vérité. Son erreur, c’est d’employer le mot « représentant », car le pouvoir n’est pas remis à des représentants, mais à des fonctionnaires législatifs. La vérité, c’est le fait que le Parlement est le souverain. En cela, Giovanni et Raymond Carré de Malberg portent un coup de canif à la théorie officielle selon laquelle la souveraineté est « inaliénable » et selon laquelle aucune section du peuple ne s’en attribue l’exercice : « La Souveraineté est inaliénable. Aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice. » (Constitution du 3 sept. 1791, Titre III, article premier). <br /> <br /> La science politique nous explique que le Corps législatif n’est pas le souverain, que le souverain reste le peuple, car le Corps législatif ne fait qu’exercer la souveraineté. C’est encore une astuce car celui qui exerce la souveraineté est effectivement le souverain. Etre souverain, ce n’est rien d’autre qu’exercer la souveraineté.
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J
Voilà un bien bel exposé mais qui ferait plus d'effet devant un étalage de &quot;science-po&quot; que sur un blog populaire.<br /> En lisant commentaires et réponses, je vois une bataille de chiffres mais que signifie les chiffres quand la référence est la guerre dans sa terrible réalité et non dans un jeu vidéo. Le septuagénaire que je suis a pu constater que les chiffres, selon la sensibilité de celui qui les livre, changent au fil du temps, un peu comme les hypothèses scientifiques remises en question avec l'évolution des moyens de recherche.<br /> Pour en venir à la démocratie dont la signification est le pouvoir par le peuple, vous avez raison, n'a aucun sens quand le peuple est divisé. En ce qui nous concerne, la France populaire serait divisée en deux mais est-ce exacte quand, petit à petit, se forment en elle plusieurs ethnies ? Nos dirigeants s'estiment légitimes dans le pouvoir parce qu'ils ont été élus à la majorité. Là encore, si nous nous penchions sérieusement sur les chiffres, à quoi correspond exactement cette majorité ? Nous dévoile-t-on le nombre de français en droit de voter ? Existe-il une comparaison entre ce nombre et celui des inscrits sur les listes électorales ? Existe-il une comparaison entre le nombre de français ayant accès au vote et les votants ? Les 51% de la majorité sont donc loin de représenter 51% des français en droit de s'exprimer.<br /> Vous avez employé le mot lobotomie et vous avez vu juste. Ce n'est que le résultat de l'après 68 mais c'est une lobotomie de gauche. A cela s'est greffé la perte de nos valeurs et la mise à mal de notre éducation...<br /> Vous citez William Butler qui emploie l'expression marcher sur mes rêves ce qui m'amène au souvenir de J.Edgar Hoover (feu directeur du FBI) qui reprochait à un subalterne de marcher sur son ombre.
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S
C'est légitimer Hitler et les 6000000 de morts cet article!
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C
Monsieur,<br /> <br /> Comme beaucoup, vous mélangez tout, et parlez sans cesse pour ne rien dire.<br /> A votre remarque j'en ajouterais d'autres ; pourriez-vous étayer vos propos, et citer les phrases ou les concepts qui vous amènent à un tel raisonnement? Je suppose que puisque vous ne l'avez pas fait, c'est qu'au vu de nos propos il n'est pas possible de le faire.<br /> En outre, je vous ferai remarquer que durant la seconde guerre mondiale jamais il n'y aurait eu de guerre sans le concours des démocraties : il faut deux camps pour faire une guerre, ceci aurait évité bon nombre de victimes.<br /> De plus la réaction française et Anglaise eut ceci d'absurde, qu'elle a propulsé les peuples dans une guerre immense, pour venir en aide à la Pologne, qui finalement dans les faits a été livrée à elle-même entre les crocs Soviétiques et Allemands, pourquoi déclarer la guerre à l'Allemagne sans faire de même pour l'Urss ? Voici bien là un mystère quant au « pacifisme »…<br /> <br /> En dernier point, je me permets de réviser votre chiffre, de 6 million de mort, vous parlez certainement des victimes &quot;Sémites&quot;, elles n’ont pas été les seules, : vous apposez Hitler à la disparition systématique de 6 millions de personne, il y en eut bien plus, et pas seulement par le concours d'Hitler… pour vous donner un ordre d'idée, 25 millions de Russes sont morts, 6 millions d'Allemands sont morts, 6 Millions de Polonais (non juifs) sont morts.<br /> Nous noterons également, que le chiffre de 6 millions de juifs décédé, s’il est d’usage commun n’en est pas moins soumis à certaines révisions, notamment de la part du très célèbre spécialiste de cette période Raul Hilberg ( qui l’estime plus proche de cinq).<br /> <br /> Si nous laissons ce commentaire, c'est bien pour souligner le caractère intellectuel de la plupart des esprits ayant cours dans la &quot;farce&quot; du monde moderne, ceux-ci relèvent des éléments les plus futiles et les plus inférieurs auxquels il est possible de se référer et les montent bien vite en épingle.
G
Un article très bien fondé! Hélas, l'intérêt des politiciens comme tous les hommes de pouvoir n'est pas celui du peuple. Mais il faut tout de même nuancé vos propos car il me semble que certaines dictatures mènent elles aussi à de nombreuses guerres internes et civiles. Ainsi le fléau des guerres n'est pas plus intense en temps de démocratie, c'est surtout l'évolution technologique des armements qui accroit le nombres de victimes, les tensions religieuses et économiques ont toujours été sources de conflits.
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C
Cette phrase visait surtout à critiquer toutes les théories des relations internationales qui défendent illusoirement l'idée d'une &quot;paix démocratique&quot;. Or, force est de constater que les démocraties ne sont pas moins belliqueuses que les autres régimes...<br /> Elles peuvent même l'être davantage, dans la mesure où elles rendent possible une guerre totale avec une mobilisation de la nation dans son intégralité - à titre de comparaison, la monarchie française n'eut jamais recours à un quelconque système de conscription mais au volontariat pour constituer ses armées.<br /> Par ailleurs, avec la mobilisation pleine et entière de la population et les dispositifs de propagande qui s'y consacrent, toute guerre limitée semble plus difficile à concevoir: l'exemple des guerres mondiales est là pour nous le rappeler...<br /> En effet, là où la guerre ne dépend que de la volonté d'un seul homme, il paraît plus simple de négocier une paix mesurée que lorsque l'ensemble de la nation, emportée par la passion, nourrit une haine farouche envers l'ennemi - c'est en cela que nous parlons &quot;d'intensité&quot;.